Le "syndrome du tigre" n'existe pas

Le terme « syndrome du tigre » est fréquemment rencontré, notamment sur Internet, pour décrire certaines conduites agressives produites par le chat. Décrivant généralement une montée en tension consécutive à une frustration alimentaire se dirigeant de façon agressive envers l’humain, cette terminologie semble malheureusement s’être étendue pour qualifier tous les comportements agressifs du chat quels qu’ils soient, particulièrement ceux qui se produisent de façon intense et « sans raison » (spoiler alert : le chat a toujours une bonne raison de produire un comportement !)
Beaucoup de choses sont problématiques dans l’emploi de ce terme.
Aucun fondement scientifique
Premièrement, il s’agit d’un concept qui n’a aucune réalité éthologique. En effet, nous ne trouvons aucune étude scientifique l’étayant ou allant dans le sens d’un prétendu « syndrome du tigre » chez le chat. En outre, c’est une terminologie qui n’existe qu’en France, n’ayant aucun équivalent dans d’autres pays, que ces derniers soient francophones ou non.
Les conduites agressives sont normales
Les conduites agressives sont des comportements biologiquement normaux, adoptés par des individus, chats ou non, consécutivement à une émotion et en vue de s’adapter à une situation particulière. L’agression, si elle est « choisie » comme étant la tactique la plus efficace compte tenu des paramètres du contexte, permet à l’individu de se défendre et de détruire l’obstacle à sa survie et/ou à la satisfaction d’un besoin.
Le chat préfère la fuite

Il faut toutefois rappeler qu’en situation menaçante, le combat n’est généralement pas la stratégie privilégiée par les chats, en raison du risque de blessures qu’il est susceptible d’occasionner. Quand une situation est perçue comme dangereuse et menaçante, le chat va dans un premier temps avoir le réflexe de fuir et de se cacher pour échapper au danger. En revanche, s’il n’a pas de possibilités de fuite, s’il est acculé ou si d’autres facteurs viennent renforcer une vive émotion de colère, le comportement agressif peut rapidement s’avérer la stratégie la plus efficace pour faire face.
Des signes précurseurs inefficaces
En raison d’une préférence pour la fuite en situation menaçante ou inconfortable, le chat commencera normalement par émettre un panel de signes de tension et de signaux de mise à distance dans le but de faire cesser ou d’éloigner le stimulus gênant. Si ces manifestations sont incomprises et ignorées, elles deviennent inefficaces, obligeant le chat à passer à un mode de communication plus « radical ».
Ces situations sont très fréquentes dans le cadre de nos interactions avec les chats, au cours desquelles nous leur imposons des contacts et sollicitations inappropriées sans tenir compte de leurs signes et signaux, ou bien en les interprétant de façon erronée. Le chat peut, dans le cadre de ces interactions, produire une conduite agressive en réponse directe à notre sollicitation.
Et s’il vit selon des modalités relationnelles imprévisibles et insécures au quotidien, au sein desquelles l’humain ne respecte pas son intégrité physique et ses signaux de communication, la jauge de saturation du chat peut déborder et l’amener à produire des comportements agressifs à différents moments « inattendus » (aux yeux de l’humain), à des fréquences et selon des intensités plus importantes.

Derrière chaque comportement existe une émotion
Cette fameuse jauge de saturation peut déborder en lien avec tout un tas de facteurs : ressources environnementales non conformes à la satisfaction des besoins félins, utilisation de punitions fréquentes, jeux avec les mains sur le corps du chat, changements d’environnement fréquents… autant de causes impossibles à lister de façon exhaustive (et cela est sans compter les agressions redirigées se produisant à l’occasion d’une forte émotion de peur associée à un individu donnant lieu à de véritables sensibilisations) !
Les modalités de distribution alimentaire (notamment un rationnement avec manque de contrôle) figurent bien sûr parmi les raisons qui peuvent amener le chat à ressentir de la frustration au quotidien et à diriger des conduites agressives envers l’humain dont il est bien souvent totalement dépendant pour ce besoin vital.
Mais que vient faire le tigre dans cette histoire ? Est-ce que nous aussi, tout être humain que nous sommes, ne ressentirions pas une accumulation de frustration si à chaque fois que nous avons faim, nous nous confrontons à un frigo et des placards impossibles à ouvrir, une assiette désespérément vide, sans certitude concernant le nombre d’heures qu’il nous faudra encore attendre avant que la personne ayant tous pouvoirs sur ce besoin vital ne décide de nous donner à manger ?

De façon tout à fait logique, cette privation, cette incertitude, et ces modalités de distribution totalement contraires à la nature du chat, génèrent un débordement émotionnel se traduisant par des comportements particuliers.
De la complexité des situations
Toutefois, même quand il est question de frustration alimentaire, il peut exister d’autres éléments renforçateurs qui nécessitent une analyse et une compréhension approfondies. Les conduites agressives peuvent par ailleurs prendre diverses formes Les comportements du chat ne sauraient se limiter à un unique facteur explicatif ayant valeur d’étiquette. Le chat ne mérite pas d’être catalogué de la sorte comme s’étant « transformé en tigre », non seulement car cela ne veut strictement rien dire mais aussi parce que derrière cette perception biaisée réside l’idée que le chat a « disjoncté », est devenu « incontrôlable », « dysfonctionnel » et « irrécupérable ».
Les conséquences néfastes de cette terminologie
Les humains qui se font agresser par leur chat peuvent, à juste titre, développer de la peur à son égard et ressentir une fatigue émotionnelle particulièrement importante si la problématique tarde à être résolue. Si en plus de cet état émotionnel fragile, les individus acquièrent la croyance selon laquelle leur chat est « atteint du syndrome du tigre », avec tout ce que cela sous-entend, leur motivation à entreprendre un travail environnemental et relationnel avec un comportementaliste pour résoudre la situation peut se trouver d’emblée émoussée.
Cela aboutit malheureusement souvent à l’abandon du chat, voire son euthanasie. Et ces choix peuvent être pris avec d’autant plus de rapidité si ce « syndrome du tigre » a été « diagnostiqué » par un professionnel du domaine animal…

Pour toutes ces raisons, l’utilisation de cette terminologie est réellement préjudiciable en ce qu’elle porte atteinte à une véritable compréhension du comportement du chat et freine une volonté d’agir pour tenter d’apaiser les choses. Derrière chaque comportement agressif se trouve un contexte, une perception de la situation, une émotion, des apprentissages. Autant de paramètres qui méritent d’être analysés et compris pour pouvoir apporter des ajustements permettant un apaisement, aussi bien du chat que de l’humain.
Des pistes de résolution existent
Sachez que face à ces conduites agressives, il existe des pistes de résolution à mettre en place pour rétablir un climat relationnel harmonieux avec votre chat. N’hésitez pas à faire appel à un comportementaliste du chat, spécifiquement formé à ces problématiques, qui saura vous apporter les clés de compréhension concernant les comportements de votre chat et vous accompagner de façon personnalisée dans la résolution de la situation.
