Marion Peltier

Comportementaliste spécialiste du chat

Consultations à domicile Sarthe (72)

Visioconsultations à distance

Rubrique les émotions chez le chat

La contagion émotionnelle

Qu'est-ce que la contagion émotionnelle ?

La contagion émotionnelle est notre capacité à capter les émotions ressenties par d’autres personnes et à les ressentir également. La plupart des recherches supposent qu’il s’agit d’un processus adaptatif, dans lequel nous n’avons pas besoin d’avoir connaissance du stimulus ayant déclenché l’émotion chez l’autre, et où nous sommes promptes à imiter autrui dans l’expression émotionnelle et dans le comportement associé.

Si l’on prend l’exemple de la peur, la contagion émotionnelle est un avantage car elle permet aux personnes, en voyant des individus avoir peur et adopter le comportement associé, de fuir plus vite sans attendre d’être en présence du stimulus menaçant. D’autres explications sont possibles mais la plus utilisée dans la littérature va dans le sens d’une capacité automatique d’imitation d’autrui. Vivre un partage émotionnel nous permet ainsi d’adopter les attitudes et les comportements les plus adaptés.

Processus cérébraux

Les neurones miroirs, découverts par Rizzolatti,[1] en sont l’illustration parfaite. Ils sont actifs aussi bien lorsque l’individu observe une action que lorsqu’il l’exécute lui-même, et ont donc un rôle essentiel dans l’apprentissage par l’imitation et l’acquisition de connaissances. Les neurones miroirs permettent d’apprendre les séquences d’un mouvement sans le réaliser effectivement, mais simplement ”comme si” on le réalisait par l’observation. 

Le cerveau effectue une simulation et grâce à la reproduction simultanée du mouvement en pensée ou dans le corps, l’individu va apprendre et comprendre la logique du mouvement, l’intention ayant motivé les différentes actions du mouvement.

Au-delà de l’apprentissage d’un mouvement, l’action des neurones miroirs concerne également les émotions et les sensations. En observant l’expression émotionnelle du visage ou la tension du corps chez un autre, l’individu va vivre simultanément en reflet cette émotion ou cette tension. C’est la contagion émotionnelle. Quand nous partageons un moment avec une personne stressée, nous sommes rapidement gagné par le stress du fait des neurones miroirs qui s’activent. Il s’agit là d’une partie de la communication non négligeable : la communication non verbale à travers les émotions exprimées par le corps, qui touche davantage que la communication verbale.

L'humain et le chat

Étant donné que nous partageons les principales émotions de base avec les animaux non humains (peur, colère, tristesse, plaisir, dégoût, surprise),[2][3] la contagion émotionnelle fonctionne également entre un chat et un humain.

Par exemple, notre chat peut lire de l’inquiétude ou bien de la colère sur notre visage et se mettre alors en tension. En effet, la réponse de stress induite par une émotion, qu’il s’agisse de la peur ou de la colère, va déclencher chez l’individu des modifications physiologiques, telles qu’une accélération du rythme cardiaque, une augmentation de la tension artérielle et de la fréquence respiratoire. Cette mise en tension du corps va amener des modifications en termes de posture, de gestes et surtout d’expressions faciales (Lazarus, 1999)[4] associées à l’émotion ressentie. Concernant la peur, on observe notamment une crispation de la mâchoire et un visage fermé. Pour la colère, les sourcils sont froncés, des rougeurs apparaissent sur le visage.

Le chat va être sensible à nos émotions, et particulièrement à ces modifications corporelles. Les études ont en effet montré que le chat est capable de reconnaître nos expressions faciales et d’adapter son comportement en fonction de nos émotions.[5] Il a notamment tendance à préférer l’interaction avec une personne exprimant une émotion de joie, comparativement à une personne exprimant la colère.[6] 

Par ailleurs, le chat prend en compte ces indices émotionnels pour prendre une décision face à un objet inconnu et potentiellement inquiétant. Une étude a effectivement montré que face à cet élément nouveau, si son humain manifeste des expressions faciales et une tonalité de voix correspondant à de l’inquiétude, le chat fera beaucoup d’allers-retours visuels entre son humain et l’objet pour finalement cesser son exploration de ce dernier. À l’inverse, si l’humain manifeste un grand enthousiasme envers l’objet, une majorité de chats prennent en compte cette donnée et décident de se diriger vers l’objet pour l’explorer.[7] 

Cette reconnaissance émotionnelle de la part du chat et l’attitude adoptée (à notre égard et à l’égard de l’environnement) montrent que les émotions que nous ressentons vont pouvoir influencer le chat qui va adopter des comportements particuliers, voire ressentir lui-même une mise en tension de son corps, et peut-être parfois une émotion proche de la nôtre.

Ainsi, nous comprenons que notre manière de vivre les événements de notre vie avec plus ou moins de manifestations émotionnelles peut avoir un impact direct sur la propre gestion émotionnelle de notre chat, et donc sur ses comportements. Une étude a en effet mis en évidence que des humains présentant de hauts scores en névrosisme (cette tendance plutôt naturelle à se montrer pessimiste et à convoquer avec plus de facilité et davantage d’intensité des émotions inconfortables comme la peur et la colère) rapportent vivre avec des chats qui présentent eux-mêmes souvent des comportements anxieux et/ou agressifs.[8]

Et donc en toute logique, nous comprenons également qu’à l’inverse, plus nous serons apaisés et calmes au quotidien, plus notre chat aura de chances de l’être également.

Références

[1]Rizzolatti, G., Fadiga, L., Gallese, V. & Fogassi, L. (1996). Premotor cortex and the recognition of motor actions. Cognitive Brain Research, 3(2), 131-41. 

[2]Darwin, C. (1872). The Expression of the Emotions in Man and Animals. London : John Murray.

[3]Ekman, P. (1982). Emotion in the human face. Cambridge, England: Cambridge University Press.

[4]Lazarus, R. S. (1999). Stress and emotion: A new synthesis. Springer Publishing Co.

[5]Quaranta, A., d’Ingeo, S. Amoruso, R. & Siniscalchi, M. (2020). Emotion recognition in cats. Animals, 10(7), 1107.

[6]Galvan, M. & Vonk, J. (2016). Man’s other best friend : domestic cats (F. silvestris catus) and their discrimination of human emotion cues. Animal Cognition, 19(1), 193-205.

[7]Merola, I., Lazzaroni, M., Marshall-Pescini, S. & Prato-Previde. (2015). Social referencing and cat-human communication. Animal Cognition, 18(3), 639-648. 

[8]Finka, L. R., Ward, J., Farnworth, M. J. & Mills, D. S. (2019). Owner personality and the wellbeing of their cats share parallels with the parent-child relationship. PLoS One, 14(2):e0211862.

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